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Mourad Merzouki © Montpellier Danse

Montpellier Danse 2025 : conversation avec le chorégraphe Mourad Merzouki

Chorégraphe, danseur majeur de la scène contemporaine et pionnier du hip-hop français, Mourad Merzouki reprend son spectacle Kaléidoscope à l’Opéra Berlioz à l’occasion du festival Montpellier Danse. Doublement présent cette année, il investit la Place de la Comédie avec Écho de Rue, un spectacle participatif imaginé comme un grand moment de danse en clôture de l’événement. Entre mémoire, transmission et dialogue avec le public : conversation avec un artiste au langage chorégraphique multiple et en perpétuel mouvement.

SUD VIBES : Mourad Merzouki, vous venez à Montpellier Danse avec une nouvelle présentation de votre spectacle Kaléidoscope, qui reprend treize de vos spectacles et qui avait été créé à l’origine pour les dix ans du festival Kalypso et la fin de votre mandat au Centre Chorégraphique National de Créteil. Ce spectacle balaie une longue période de votre carrière, que représente-t-il pour vous ?

Mourad Merzouki : Avec Kaléidoscope, il s’agissait pour moi de partager une grande partie de mon travail. Trente années de créations et presque autant de compagnie, ça va très vite, et dans le métier qui est le mien, on sait combien la danse peut être éphémère et vite oubliée. Pour moi, c’était important, parce que j’avais envie de partager avec les nouvelles générations d’artistes, de revenir sur mon parcours et de célébrer une partie de mes œuvres avec le public. C’est tout ça à la fois et je trouvais que c’était bien de marquer ce moment de cette manière-là, en revenant sur les pièces de mon répertoire.

SV : Cette pièce a t-elle était jouée depuis ?

MM : On l’a présentée au Carre Sainte-Maxime où, un peu comme à Montpellier, il y a une forme de fidélité avec le public. La direction a eu envie de reprendre ce spectacle pour fêter l’anniversaire du théâtre avec le public. Ils ont trouvé que c’était intéressant pour célébrer ce moment fort. Maintenant, c’est à Montpellier. C’est une pièce où il y a beaucoup de danseurs et qui n’était pas vouée à être tournée. À l’origine, l’idée était de proposer ce spectacle-là pour les dix ans du festival Kalypso. Et puis finalement, on s’est rendu compte qu’il y a des lieux où cela fait sens de le présenter.

SV : Comment crée-t-on une nouvelle narration en faisant cohabiter différents spectacles, jusqu’à produire une œuvre singulière ?

MM : De manière générale, mes spectacles ne racontent pas d’histoires. J’ai pour habitude de proposer des créations où se succèdent les tableaux et les images. Là, en l’occurrence, l’idée était de reprendre tous ces extraits, avec bien sûr, comme fil rouge mon écriture et ma manière d’occuper l’espace et de travailler la danse et la musique. Le fait qu’il n’y ait pas d’entractes ou de coupures entre chaque pastille chorégraphique, fait un seul et même spectacle. Parce que le public n’est pas coupé par une fermeture de rideau, il est embarqué dans cette dynamique et voyage à travers les spectacles. Après, bien sûr, j’ai pensé ce Kaléidoscope en essayant d’être attentif à ce que j’appelle la courbe de rythme, d’émo- tions et d’énergie, de manière à ce que cette courbe soit cohérente, avec des moments plus intenses, ou plus poétiques, plus légers. Des moments d’ensemble aussi.

 

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Mourad Merzouki © Montpellier Danse
SV : Vous clôturez le festival Montpellier Danse avec Écho de Rue le 5 juillet sur la Place de la Comédie. C’est un  lieu qui est très symbolique pour les Montpelliérains et qui est régulièrement, et spontanément, investi par des danseurs, des musiciens ou des comédiens. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce spectacle ? Quelle sera sa tonalité ?

MM : Quand Jean-Paul Montanari et le Maire de Montpellier m’ont demandé d’imaginer un grand moment de danse sur la Place de la Comédie, j’ai eu le sentiment que la boucle était bouclée. La première fois que je suis venu à Montpellier pour danser, c’était il y a plus de trente ans. D’une certaine manière, je reviens avec une proposition à un moment où il y a un changement de direction de L’Agora et le dé- part de Jean-Paul Montanari. Symboliquement, c’est quelque chose de fort pour moi. Donc j’ai imaginé ce rendez-vous avec une proposition qui présentera au public quelques extraits de Kaléidoscope en plein air, et en même temps, je l’inviterai à la danse et au mouvement.

Le public sera acteur et spectateur. J’ai pensé un dispositif en bi-frontal. C’est-à-dire qu’il y aura deux scènes de part et d’autre, et le public sera pris en sandwich entre ces deux scènes. L’idée, c’est de le mettre en scène avec les danseurs de Kaléidoscope pour en faire un grand spectacle. Le projet n’est pas de faire un flash mob, mais d’essayer d’aller un peu plus loin pour qu’il y ait là aussi une continuité, un lien entre les propositions dansées par les professionnels et avec le public qui, à un moment, fera partie de la chorégraphie lui aussi.

Quand Jean-Paul Montanari et le Maire de Montpellier m’ont demandé d’imaginer un grand moment de danse sur la Place de la Comédie, j’ai eu le sentiment que la boucle était bouclée.

SV : Cette 45e édition de Montpellier Danse est la dernière sous la direction de Jean- Paul Montanari. Elle a été imaginée comme le clap de fin d’une longue carrière intimement liée à la danse et à Montpellier. Il a disparu avant que cette édition n’ait lieu. Quelle couleur aura le festival, pour vous, sans la présence Jean-Paul Montanari cette année ?

MM : D’abord, c’est un hommage qu’on lui doit tous, les uns et les autres. Les artistes, le public… Il a fait tellement pour emmener la danse dans le cœur des habitants de Montpellier et de tous les publics. Il a su ouvrir la danse, il a su l’emmener à des endroits où on ne l’attendait pas, il a surpris. Et il a fait un travail incroyable avec ce festival. Il lui a donné une renommée internationale, il a fait découvrir de nombreux artistes. Donc, avant tout, il faut rendre hommage à ce grand amoureux de la danse. Il a su aussi, je crois, préparer d’une certaine manière son départ. En-tout-cas, il a été très attentif à la manière dont ce festival allait se poursuivre.

Cette année, le festival sera pour moi un mélange de, bien sûr, un pincement au cœur dû au fait qu’il ne sera pas là. Cela fait trente ans que je présente mes spectacles à Montpellier, quasiment tous y ont été proposés. Il y a une grande fidélité du public et des habitudes se sont installées, dont la présence de Jean-Paul en salle avant et après les spectacles. Il va y avoir forcément un vide. Mais, en même temps, je crois que ce sera une édition qui lui sera totalement dédiée. Et je pense que chaque artiste sera à son endroit pour lui rendre hommage. Et puis je crois que c’est une édition qui s’annonce, en termes de fréquentation, avec beaucoup de spectateurs. Je crois que si le public répond présent, c’est aussi une manière de poursuivre cette formidable aventure avec la danse.


Montpellier Danse 2025 : une 45e édition sous le signe de l’avenir et de la création

Du 21 juin au 5 juillet 2025, Montpellier Danse célèbre son 45e anniversaire. Cette édition, profondément tournée vers l’avenir, est la dernière sous la direction de Jean- Paul Montanari disparu en avril dernier en laissant derrière lui plus quarante ans voués à faire rayonner la danse à Montpellier. Avec à l’affiche des artistes venus de tous horizons, de nombreux spectacles présentés pour la première fois, et un dialogue entre formes populaires et chorégraphies exigeantes, cette édition mettra la création à l’honneur.

Fidèle à son histoire et à son identité, le festival accueillera des compagnies et des artistes majeurs, à l’image d’Akram Khan et sa nouvelle pièce pour 14 danseuses indiennes Thikra ou encore d’Israel Galván & Michael Leonhart, dont le duo fusionne jazz et flamenco. Mais aussi Nadia Beugré, Salia Sanou ou encore Mathilde Monnier. Tous témoignent de la vitalité de la scène chorégraphique contemporaine. Le 5 juillet, Mourad Merzouki clôturera le festival avec un spectacle en plein air sur la place de la Comédie. Un grand moment de danse pour saluer plus de quatre décennies d’audace, de partage et de danse.

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DR
  • Festival Montpellier Danse, du 21 juin au 5 juillet 2025
  • Plus d’infos : Montpellier Danse