Artiste majeur connu pour son avant-garde et ses célèbres Outrenoirs, Pierre Soulages fait l’objet cet été et jusqu’au 4 janvier 2026 avec La Rencontre, d’une rétrospective monumentale au musée Fabre à Montpellier.
En six séquences, La Rencontre – titre de l’exposition et clin d’œil au tableau de Courbet – célèbre Soulages dans un chapitre inédit. Revenant sur le lien profond, à la fois intime et artistique, qui unit le peintre au musée Fabre, la scénographie s’affranchit de toute chronologie. Sur 1200 m², les œuvres de l’icône de l’abstraction dialoguent entre elles et avec celles des maîtres qui l’ont inspiré : Rembrandt, Zurbarán, Courbet, Cézanne, Van Gogh, Mondrian, Picasso… Non-linéaire, la déambulation s’offre comme autant de thématiques, offrant une vision panoramique du travail d’un artiste qui, jusqu’à sa mort, n’a cessé d’expérimenter.
Une exposition Pierre Soulages d’envergure exceptionnelle à Montpellier
Réunissant environ 120 toiles, œuvres sur papier, cuivres, bronzes et verre, La Rencontre, dans une scénographie sobre, s’ouvre sur trois Outrenoirs. Apparaissent deux inédits, premier choc visuel et derniers travaux de Soulages, qui laissent entrevoir ce que réserve la suite du parcours. Noir sur noir, ombre sur lumière, l’exposition, magistrale, réunit des œuvres allant de 1946 à 2021. Elles sont issues, en plus des collections du musée Fabre, de prêts de Colette Soulages, mais aussi de particuliers et du musée Soulages de Rodez. Conçu avec le partenariat de l’institution ruthénoise, vingt ans après la donation exceptionnelle de l’artiste au musée montpelliérain, cet hommage habite l’ensemble des six séquences dans un dialogue aussi puissant que silencieux.
Soulages, la recherche de la lumière en dialogue avec les maîtres de la peinture
Dès le premier chapitre, Matière première, la question des origines se déploie dans une rencontre entre une série de brou de noix débutée en 1946 et des œuvres marquantes dans la construction de l’artiste, à l’image d’une statue-menhir de la Verrière – issue du Musée Fenaille à Rodez – et dont l’image fut l’une des premières secousses visuelles pour l’adolescent que fut Soulages.
Suivent Bâtir la peinture, Écriture et silence plastique, Cette couleur violente, L’envers du noir et L’espace de la peinture. Intense, radicale, l’exposition s’intéresse à l’architecture des œuvres comme au rapport de l’artiste à l’écriture et au signe. Dans une quatrième séquence, la couleur jaillit, toujours plus lumineuse sur fond noir. Elle fait dialoguer les recherches du peintre sur la lumière avec des toiles de Zurbarán, Van Gogh et Rembrandt.
Pierre Soulages
Un jour, je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile, sans formes, sans contrastes, sans transparences. Dans cet extrême, j’ai vu en quelque sorte la négation du noir, les différences de textures réfléchissant plus ou moins faiblement la lumière, du sombre émanait une clarté, une lumière picturale dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre – j’aime que cette couleur violente incite à l’intériorisation. Mon instrument n’était plus le noir, mais cette lumière secrète venue du noir.
Au fil du parcours, les formats se font monumentaux, jusqu’à l’étage, épilogue de La Rencontre. La scénographie y pense l’espace comme un élément capital.
Je ne crois pas qu’un peintre, que sa peinture soit figurative ou non, puisse ignorer en peignant un élément aussi capital que l’espace dans notre expérience du monde sans risquer d’appauvrir dangereusement sa peinture. L’espace est une dynamique de l’imagination.
Dans un dialogue avec deux photographies de Gustave Le Gray choisies par Soulages, le spectateur, renvoyé à lui-même dans son rapport à la lumière, évolue autour d’Outrenoirs. Suspendus par des câbles tels des murs de matière, pensés dans leur réalité spatiale dans, comme autour de la toile, leur matérialité impose un contact direct puissant. Pour prolonger la visite et s’immerger davantage dans l’art de Soulages, le musée Fabre propose Outrenoir, une œuvre en réalité virtuelle conçue comme une invitation à entrer littéralement dans la peinture du géant de l’art contemporain. Des paysages enneigés dessinés à l’encre noire de l’enfance à l’abbatiale de Conques et à l’atelier de l’artiste à Sète, l’expérience se révèle aussi forte qu’émouvante.
- Pierre Soulages. La Rencontre.
- Du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026
- Musée Fabre, 39 Boulevard Bonne Nouvelle, Montpellier