La sortie cinéma du 14 décembre

C’est un vrai coup de cœur que nous vous proposons cette semaine. Ce film, Fièvre Méditerranéenne (prix du meilleur scénario à Cannes dans la sélection Un certain Regard), nous l’avons découvert en compétition lors du dernier CINEMED  est signé par Maha Haj. Deux solitudes qui se croisent et débouchent sur une amitié improbable entre deux Arabes Palestiniens que tout oppose à priori. Le scénario subtil nous balade entre noirceur, humour et dépression. Une vraie réussite.

Fièvre Méditerranéenne

Un film Maha Haj, avec Amer Hlehel, Ashraf Farah, Anat Hadid, Samir Elias, Cynthia Saleem, Shaden Kanboura, Yussuf Abu-Warda, Nihaya Bishara, Jan Harb, Sobhi Hosari.

Walid, 40 ans, Palestinien vivant à Haïfa avec sa femme et ses deux enfants, cultive sa dépression et ses velléités littéraires. Il fait la connaissance de son nouveau voisin, Jalal, un escroc à la petite semaine. Les deux hommes deviennent bientôt inséparables : Jalal est persuadé d’aider l’écrivain en lui montrant ses combines ; Walid y voit l’opportunité de réaliser un projet secret…

A voir au Diago à Montpellier

ENTRETIEN AVEC MAHA HAJ

Patricia de Melo Moreira/ AFP)

Comment avez-vous imaginé les personnages de Walid et Jalal, que tout oppose a priori ?
Je suis une réalisatrice profondément mélancolique, mais dotée d’un certain sens de l’humour. C’est ainsi que j’ai pu écrire ce film noir, Fièvre Méditerranéenne, sur Walid, un dépressif chronique qui aspire à devenir écrivain. Je connais intimement sa personnalité et son caractère. J’ai ainsi tourné en dérision mon propre côté sombre à travers un homme qui me ressemble sur certains points, tout en étant différent de moi. Au personnage de Walid, j’oppose celui de Jalal, une personnalité qui m’a toujours attirée. Jalal est un petit voyou optimiste, qui croque la vie à pleines dents. Il a trop les pieds sur terre pour sombrer dans la dépression. Il est le contraire de Walid, si bien que de leur rencontre naît cette dimension comique, qui éclaire l’histoire ténébreuse de Walid. Le contraste entre ces deux personnages m’a paru intéressant : ils sont à la fois complètement différents tout en étant très similaires. Comme les deux faces d’une même pièce. Ce sont deux personnages vulnérables, tout en étant très forts. Ce sont tous deux des outsiders. J’ai voulu mettre en avant des anti-héros magnifiques dans leur désespoir et malgré les épreuves qu’ils traversent dans la vie.

“Walid et Jalal sont comme les deux faces d’une même pièce”

Comment avez-vous choisi Amer Hlehel et Ashraf Farah pour incarner Walid et Jalal ?
Puisque c’est un film de personnages, le casting a été une étape primordiale. J’avais, depuis le début de l’écriture, Amer Hlehel à l’esprit pour Walid. Nous en avons un jour discuté dans un petit café, où je lui ai exposé le personnage et sa trajectoire. Il a immédiatement accepté et cela m’a aidée pour la suite de l’écriture. C’était très différent pour Jalal. Nous avons fait passer beaucoup d’auditions, et les acteurs étaient tous très doués, mais ils n’étaient pas Jalal, il leur manquait quelque chose. Quand Ashraf Farah est entré dans la pièce et a fait sa première lecture, j’ai tout de suite compris que c’était l’acteur idéal pour incarner Jalal.

En quoi la fièvre méditerranéenne contribue-t-elle à l’état dépressif de Walid ?
Cette fièvre méditerranéenne, maladie héréditaire, affecte certains des habitants de la région. Elle reflète aussi d’autres maux plus évidents : politiques, sociaux et psychologiques. Le film se focalise ouvertement sur cette maladie, bien que ce soit ces maux qui m’intéressent, ceux qu’on n’examine pas au microscope, ceux qui ne sont ni diagnostiqués ni soignés. Mon film précédent, Personal Affairs, parlait de l’identité des Palestiniens qui habitent en Israël, en Cisjordanie et en exil. Les personnages étaient emprisonnés, frustrés et désespérés du fait de la complexité de leur existence en tant que Palestiniens. Walid, un arabe israélien de Haïfa, n’échappe pas non plus à ces mêmes sentiments de réclusion et d’expropriation. Dans Fièvre Méditerranéenne, j’ai choisi de me concentrer sur un seul personnage et de traiter la question de la dépression à l’échelle de l’individu, et non de la société. La vie de Walid pourrait paraître réconfortante et désirable pour la plupart : une femme aimante, des enfants heureux, des parents chaleureux et une belle maison, autant d’éléments qui caractérisent la réussite. Et pourtant, et ceci rejoint ma compréhension personnelle de la dépression, quelque chose de profond, de sombre et d’inconnu manque toujours.

Le film navigue entre les genres : la comédie, le drame, le fantastique, le thriller. Comment avez-vous construit le scénario pour épouser ces différents genres ?
Ce n’était pas prémédité ou intentionnel, cela fait partie de la magie de l’écriture. Je crée d’abord un personnage, je le suis dans son cheminement et il devient si singulier qu’il finit par s’écrire lui-même. Les personnages parlent naturellement. Et l’intrigue se développe parallèlement. Quand je commence à écrire, je ne pense pas à la fin. J’écris sur Walid, Jalal, leur rencontre, mais je ne sais pas où elle va les mener. J’étais moi- même surprise à la fin, tout en me disant que c’était la seule fin possible pour le film.