Notre sélection Rentrée littéraire Episode #3

Episode 3

Dans ce 3e épisode de la sélection “rentrée littéraire” de la rédaction : une enquête sur Action Directe mène à la découverte de lourds secrets familiaux et questionne la possibilité du pardon, l’histoire vraie d’un amour impossible entre une aristocrate et un jeune résistant juif sous occupation allemande confronte la France qui collabore à celle qui résiste, un ancien président français au cœur d’un scandale, les traces concrètes que laisse encore aujourd’hui la violence du gouvernement de Vichy.

La vie clandestine  de Monica Sabolo

Gallimard, 320 pages, 21,90€

« Je tenais mon sujet. Un groupe de jeunes gens assassinent un père de famille pour des raisons idéologiques. J’allais écrire un truc facile et spectaculaire, rien n’était plus éloigné de moi que cette histoire-là. Je le croyais vraiment. Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue : le silence, le secret et l’écho de la violence. » La vie clandestine, c’est d’abord celle de Monica Sabolo, élevée dans un milieu bourgeois, à l’ombre d’un père aux activités occultes, disparu sans un mot d’explication. C’est aussi celle des membres du groupe terroriste d’extrême gauche Action directe, objets d’une enquête romanesque qui va conduire la narratrice à revisiter son propre passé.
Comment vivre en ayant commis ou subi l’irréparable ? Que sait-on de ceux que nous croyons connaître ? De l’Italie des Brigades rouges à la France des années 80, où les rêves d’insurrection ont fait place au fric et aux paillettes, La vie clandestine explore avec grâce l’infinie complexité des êtres, la question de la violence et la possibilité du pardon.

Le Président se tait  de Pauline Dreyfus

Grasset, 252 pages, 20,52€

L’« affaire des diamants »  ! Qui ne se souvient de ce scandale politique qui a agité la Cinquième République de Giscard d’Estaing, et a marqué pour celui-ci le début de sa fin  ? Sans qu’il y soit jamais nommé autrement que «  le Président  », il est l’objet de toute la stupéfaction, de toutes les spéculations, de toutes les interrogations dans ce roman satirique et brillant. Tout Paris bruit dans le silence. Accusé par la presse d’avoir accepté des diamants de la part d’un dictateur africain, le Président se réfugie dans un silence offensé. Il va se taire pendant quarante-neuf jours.
Et pendant ces quarante-neuf jours a lieu la ronde des personnages que Pauline Dreyfus convoque en maîtresse de cérémonie impitoyable et moqueuse : une immigrée portugaise, un night-clubber, un dissident russe, une journaliste espérant la gloire, un chef du protocole de l’Elysée atterré, un châtelain ruiné, un chômeur pilier de bar, une militante féministe, un inspecteur des Renseignements généraux, sont à leur façon bousculés en ce singulier automne politique. Le pouvoir se désincarne, les forces de la dérision s’agitent. C’est peut-être là, pour la première fois, qu’on les a vu apparaître sous la Cinquième République. Les diamants sont un de ces prétextes comme savent en trouver les dieux pour bousculer les destins.
Le jour où le Président se décide à s’expliquer, tous les protagonistes de cette histoire sont devant leur poste de télévision. Depuis le temps qu’ils attendaient des explications ! Les auront-ils ? Tout le talent de Pauline Dreyfus pour les comédies sociales, qui ne sont pas sans tragique, éclate dans ce roman.

Une brève libération  de Félicité Herzog

Stock, 350 pages, 20,50€

C’est une histoire française. Elle se passe pour l’essentiel à Paris, pendant l’occupation allemande, puis dans le maquis du Vercors où les résistants se battent dans la neige et le froid, jusqu’au dernier. Une histoire française, presque un roman, mais tout y est vrai, qui oppose deux France. Celle des Cossé-Brissac, le côté maternel de Félicité Herzog, dont la grand-mère May, aussi libre de son corps en privé qu’attentive aux conventions immuables de l’aristocratie en public, reçoit dans son hôtel particulier le Tout-Paris de l’occupation, le Tout-Vichy, de Paul Morand à Pierre Drieu La Rochelle, de Josée Laval (la fille de Pierre Laval) à Coco Chanel. Une jeune fille grandit là, qui désapprouve en silence, puis désobéit, prisonnière de ce monde clos, rétive cherchant à s’échapper par l’intellect et le plaisir. Cette belle adolescente promise à un mariage de l’entre-soi se nomme Marie Pierre de Cossé-Brissac. C’est la mère de l’auteure.

L’autre France, c’est celle plus lumineuse, jeune, bravache, idéaliste, de la résistance par les idées et par les armes. Un grand bourgeois juif parisien envoie son jeune fils en province. Celui-ci rejoint le maquis du Vercors. L’intellectuel rompu aux joutes de l’esprit apprend à tirer, se cache dans les grottes, combat en montagne. Il se nomme Simon Nora, rebaptisé «  Kim  » dans son réseau. À la fin de la guerre, seul survivant du massacre de la grotte aux fées, il revient auréolé de courage. L’aristocrate de haute lignée rencontre alors l’héritier des héritiers du judaïsme. Deux aristocraties au fond, mais que tout oppose. Le drame qui se joue dans ce roman haletant, cette fresque guerrière sous les hauts portraits d’ancêtres et dans les forêts où les SS fusillent les héros, atteint son sommet.

Une brève libération  déploie le romanesque de la vérité des sentiments, de l’amour impossible, de l’union des contraires.

Les Presque soeurs  de Cloé Korman

Seuil, 256 pages, 18€

Entre 1942 et 1944, des milliers d’enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.
Parmi eux, un groupe de petites filles. Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d’internement en foyers d’accueil, de Beaune-la-Rolande à Paris. Cloé Korman cherche à savoir qui étaient ces enfants, ces trois cousines de son père qu’elle aurait dû connaître si elles n’avaient été assassinées, et leurs amies.
C’est le récit des traces concrètes de Vichy dans la France d’aujourd’hui. Mais aussi celui du génie de l’enfance, du tremblement des possibles. Des formes de la révolte.