Le musée Paul Valéry consacre sa séquence d’été à l’œuvre de Philippe Cognée. Du 21 juin au 2 novembre, « L’œuvre du temps » met en lumière l’immense corpus de l’artiste plasticien.
C’est une question métaphysique, celle du temps, qui est à l’œuvre dans cette nouvelle exposition au Musée Paul Valéry. Traversant les différentes périodes et évolutions stylistiques de Philippe Cognée, « L’œuvre du temps » esquisse un cheminement dont les territoires traversés offrent une vision inédite de près de 45 ans de recherches picturales.
S’ouvrant sur un triptyque d’autoportraits évoquant le travail de Francis Bacon, la question de l’identité s’impose brutalement. Devant sa propre image, l’artiste se dévoile sous l’angle de l’introspection. Une mise à nu où Cognée se confronte à lui-même dans un face-à-face inquiétant dont la tension est palpable. Immortaliser son image figée dans le temps, rendre immuables les souvenirs en les fixant par la peinture… Revenant sur les œuvres de sa première période, marquée par les réminiscences d’une enfance en Afrique et par un intérêt pour la préhistoire et la mythologie, l’exposition s’intéresse à la faculté de l’artiste à conjurer l’épreuve du temps sur la mémoire. « Labyrinthe 1 », exposé pour la première fois, « Minotaure », « Alice », la matière devient de plus en plus dense, épaisse, écrasée. De ses cratères resurgi ce qui est enfoui.
Objets en péril : l’usure comme motif central
Plus loin, une série de photos peintes dans les années 90 cristallise des scènes de vie. Vacances en famille, repas, mobilier… À travers le médium de la peinture, l’instant se fige, plus vif et présent. La surface lisse et brillante du papier permet à l’artiste de découvrir une nouvelle technique, celle de l’encaustique. Les photos sont ravivées par son intervention, comme on ravive des souvenirs. Cognée s’en constitue un réservoir. « Table fin de repas », « Intérieur lit », « Chambre d’hôtel à Atlantic City », de plus grands formats suivent. S’y révèlent sa fascination pour la surface des tableaux et pour l’architecture américaine. Dans « Chambre d’hôtel à Atlantic City », les éléments sont géométrisés. Basés sur une photo, mais déstructurés, ils laissent imaginer la présence d’occupants, donnant en l’ensemble une certaine étrangeté.
La question de l’impermanence et de la destruction affleure de « Cendrier » et de « Château de sable » deux œuvres charnières dans la constitution du parcours d’exposition. Elles synthétisent l’obsession de l’artiste pour l’usure et l’impermanence des choses à travers son attention portée sur des objets ordinaires.
À l’étage du musée, l’épreuve du temps et la promesse de la destruction se matérialisent un peu plus dans une série d’architectures aux formes plus ou moins disloquées. Dans une autre constituée de 32 dessins au fusain réalisés entre 1998 et 2024, l’artiste écrase la matière calcinée jusqu’à la faire pénétrer sur les façades, figurant des déflagrations sur des immeubles. La vision est apocalyptique. « Beaubourg », grand format réalisé à l’encaustique occupe une cimaise centrale. L’artiste malmène les œuvres et expérimente. La matière surgit de « Traverser la ville », une série de 4 petits formats quand les flétrissures d' »Amaryllis » dessinent de nouvelles architectures aux fleurs. Aquarelles, encres sur papier photo, fusains, poursuivent sur les thèmes de la mort et de la finitude.
Philippe Cognée
J’ai eu envie de peindre des cervelles parce-que je voyais dans leurs circonvolutions, l’image de sexes féminins ; et de peindre des cœurs parce qu’à leur extrémité, on peut déceler la figure de sexes masculins. J’ai eu beau les peindre d’après nature, il y a dans les formes obtenues une sorte de fusion quo permet aux figures de s’échapper et de devenir autre chose que ce qu’elles sont.
Suivent un travail sur l’architecture du corps, puis sur le thème de la foule. Chez Philippe Cognée, la violence et la destruction ne relèvent pas uniquement du motif : elles sont constitutives de son geste artistique, qui oscille entre construction et altération.
L’exposition s’achève par des scènes de nature où le temps semble s’être arrêté. « Temps suspendus » rassemble sur un même plateau plusieurs paysages. Au centre, une vitrine concentre 28 contributions de l’artiste pour des livres. Toutes traduisent à nouveau ses nombreux travaux de recherche de formes.
Entre mémoire, ruine et permanence, « Philippe Cognée. L’œuvre du temps » compose un paysage mental où l’art fait résistance à la disparition.
« Philippe Cognée. L’oeuvre du temps », du 21 juin au 2 novembre 2025. Musée Paul Valéry, 148 Rue François Desnoyer, Sète.