Warmup 22, Printemps des comédiens

Une ombre, poignant opus inédit d’Emmanuel Darley (2000), met en scène un personnage principal qui, après une longue errance à la suite d’une fuite de la maison parentale, retrouve sa sœur quelque part, dans une ville anonyme. Sans explications, il décide de passer ses journées sur le trottoir, minéral, au pied de l’immeuble qu’habite sa sœur, immobile. Il ne se clochardise pas, il devient juste un homme qui a choisi de s’arrêter pour regarder les autres et le monde de cet endroit, une rue peu fréquentée, sans bouger. Comme toujours sous la plume de Darley, avec qui Alex Selmane et Dag Jeanneret ont entretenu un long rapport de compagnonnage artistique et d’amitié, il y va de l’errance, de la quête d’identité, de la complexité et de la vitalité des relations à l’intérieur d’une cellule familiale, de l’inadaptation aux normes de la société, dans un univers foisonnant de figures et perlé de souvenirs.

Il s’agit là de faire entendre la parole d’Ismène, si longtemps tue, au cœur d’une agora, en huis clos ou dans l’espace public. Ismène, rescapée d’une famille et d’un monde, se doit d’en transmettre l’histoire. Restée seule avec ses doutes et ses questions, elle survit dans les limbes du théâtre. Discrète, passive, faible, vulnérable, tout simplement humaine, au fond, elle n’est pas entrée dans la légende au même titre que sa sœur, Antigone. Quels sont les rôles que nous jouons, ou que l’on nous fait jouer, et qui nous collent à la peau ?  Comment construisons-nous notre identité ? Existe-t-il une forme d’héroïsme alternative à celle qui est récompensée par la gloire ?